samedi 31 octobre 2009

L'idée de cesser d'être

L'idée de cesser d'être est odieuse et affreusement pénible à tout individu. De toutes ses forces, si basse que soit sa place dans l'échelle des êtres, il tend à durer longtemps, indéfiniment, éternellement.
Le problème de la pérennité est intimement liée à celui du "Moi".

C'est évidemment, l'idée que l'on se fait de la nature du "Moi", la manière dont on se le représente mentalement qui dicte les conceptions que l'on élabore quant aux mode de durée susceptibles de lui être applicables.

Demandez à un individu quelconque : "Tu souhaites subsister après la mort, tu crois peut-être que tu subsisteras ? Mais qu'est en réalité, cela dont tu désires la durée ; qu'est cela qui, selon toi, persisteras après la mort ?"

Il est probable que votre interlocuteur trouvera ces questions absurdes ou, du moins, qu'un grand nombre de ceux à qui vous les poserez les jugeront saugrenues. La réponse n'est-elle pas toute simple ?
"C'est ma durée que je souhaite", ou "c'est moi qui continuerai à exister" répondront les interpellés, suivant leurs convictions religieuses ou philosophiques.

"Ta durée ? - qui es-tu, toi ? - en quoi consistes-tu ? Quand tu dis : c'est moi qui aspire à subsister, qu'est-ce que ce Moi ?

Pour la majorité des Occidentaux, soit qu'ils s'en tiennent à la définition des catéchismes : "L'être humain est composé d'un corps mortel et d'une âme immortelle" ou à des définitions analogues établissant une division bien tranchée entre esprit et matière, il n'y a pas là sujet à discussion. C'est le principe immatériel : l'âme qui subsiste tandis que le corps est détruit.

Il n'en va pas de même chez les peuples imbus de notions différentes quant à la constitution de leur personne.

Cependant, en tous lieux, les faits s'imposent à l'être humain, la constatation du caractère transitoire de tout ce qui l'entoure, mais cette constatation, qui lui est pénible, n'entame pas son désir inné d'immortalité. Il s'y obstine, créant des mythes, des doctrines et des pratiques, tous tendant à le réconforter, à le confirmer dans la foi qu'il chérit en son immortalité.

Alexandra David-Neel - Immortalité et réincarnation